A. Le progrès des machines électriques
C’est d’abord le progrès des machines électriques à partir du XVIIIe siècle qui a permis à l’Homme d’exploiter l’électricité. Par «machine», on entend un objet à double fonction : génératrice et moteur. En tant que génératrice, une machine électrique produit du courant électrique à partir d’une autre forme d’énergie ; en tant que moteur, elle transforme l’électricité en une autre forme d’énergie, habituellement mécanique. Les machines électriques sont donc en quelque sorte des «convertisseurs d’énergie», ce qui justifie que leur invention soit aussi importante que les découvertes des sources de production, dans la mise en place progressive de la production et de l’utilisation de l’électricité. Cette évolution des machines peut se subdiviser en quatre grandes étapes, même si l’invention des piles et des accumulateurs n’en est pas une dans le sens ou ils n’ont pas exactement la même fonction que les autres machines : les machines électrostatiques, la pile et l’accumulateur, les machines électromagnétiques à courant continu et les machines électromagnétiques à courant alternatif.
Ci-dessous, les grands chercheurs qui ont amélioré les machines électriques : 1) Jesse Ramsden [Source : www.webari.com], 2) Alessandro Volta [Source : physique.buil.pagesperso-orange.fr], 3) John Daniell [Source : www.philosophyofscienceportal.blogspot.com], 4) Georges Leclanché [Source : tootsie.skynetbogs.be], 5) Gaston Planté [Source : fr.academic.ru], 6) André Ampère [Source : fr.wikipedia.org], 7) Antonio Pacinotti [Source : www.lacinzica.it], 8) Zénobe Gramme [Source : en.wikipedia.org], 9) Nikola Tesla [Source : mobil.idnes.cz]
1. Les machines électrostatiques (XVIIIe siècle)
Les premières tentatives de production d’électricité furent faites au cours du XVIIIe siècle avec les génératrices électrostatiques, qui produisaient du courant électrique grâce à l’électricité statique.
La machine électrostatique la plus aboutie à cette époque fut celle de l’Anglais Jesse Ramsden, inventée en 1766. Un disque de verre en position verticale, que l’on fait tourner grâce à une manivelle située à droite de la machine, est pressé, en haut et en bas, par des coussins de cuir fixés sur un montant de bois. À ce montant de bois sont également accrochés horizontalement deux tubes de laiton, un matériau conducteur, qui entourent le disque. Des peignes triangulaires métalliques, qui touchent le disque, sont fixés à ces tubes. Les tubes sont reliés à deux autres gros tubes de laiton conducteurs à gauche de la machine, qui aboutissent à un condensateur, une boule composée de deux électrodes séparés par un isolant.
Lorsque le disque tourne et frotte contre les coussins, il leur donne des électrons (charge électrique négative) qui s’échappent vers le sol par une chaînette métallique. Quant au disque, il a un déficit d’électrons (charge positive). À cause de la différence de potentiel, le condensateur se charge en électricité. Il pourra ensuite faire fonctionner une lampe par exemple.
Les génératrices électrostatiques permettent donc de produire de l’électricité à partir d’un frottement. Cependant, aux XVIIIe et XIXe siècles, ces machines fournissent une puissance faible, de l’ordre de quelques watts, et ne pourront pas produire suffisamment d’électricité pour d’autres motifs que la recherche scientifique.
Image : La machine de Ramsden [Source : fr.wikipedia.org]
2. La pile et l’accumulateur (fin du XVIIIe et courant du XIXe siècle)
Nous avons approfondi l’explication du fonctionnement des piles et la mise en évidence de leur évolution du XVIIIe au XXe siècle dans notre première expérience. Veuillez vous référer à la page "Nos Expériences" pour regarder des photos de l’expérience et lire le texte présentant le protocole suivi et nos déductions.
La pile, inventée par Alessandro Volta en 1799, améliorée par John Daniell en 1836 puis par Georges Leclanché en 1866, ainsi que l’accumulateur mis au point par Gaston Planté en 1859, sont deux autres avancées majeures dans l’histoire de l’électricité. La pile permet de produire de l’électricité à partir d’énergie chimique (générateur électrochimique non-réversible), tandis que l’accumulateur permet, à l’inverse, de transformer l’électricité en énergie chimique à des fins de stockage, puis de restituer l'électricité (générateur électrochimique réversible).
La pile de Volta, ou pile voltaïque, est formée de disques de cuivre et de zinc empilés et séparés par des disques de cuir imbibés de saumure, une solution aqueuse acide de formule NaCl. Les disques de cuivre et de zinc sont empilés par deux, sauf le disque du haut qui est en zinc et celui du bas qui est en cuivre, comme le montre le schéma ci-dessous. Le zinc solide produit des ions zinc positifs et des électrons : c’est une réaction d’oxydation. Sa formule est Zn → Zn2+ + 2 e- . Les électrons migrent vers le disque de cuivre où ils participent à une réaction de réduction de formule 2 H2O + 2 e- → 2 OH- + H2 : l’eau et les électrons sont transformés en dihydrogène et en ions hydroxyde. Un courant électrique est ainsi créé à partir d’énergie chimique. Ce courant est continu et d’intensité et de tension faible : 0,7 V. Le zinc se consomme au fur et à mesure des réactions chimiques et la pile s’use. Cependant, le dihydrogène produit s’accumule autour des disques de cuivre, ce qu’on appelle la polarisation. À cause de cette accumulation, le passage des électrons sera ralenti et la pile ne fonctionnera plus très rapidement : c’est le principal défaut de la pile de Volta.
Cependant, la pile de Volta sera améliorée par John Daniell, qui crée la pile impolarisable en 1836. Son fonctionnement n’implique pas de polarisation : aucun solide et aucun gaz isolant qui pourraient bloquer le passage du courant ne sont présents. Elle est composée de deux «demi-piles» : un bocal constitué (pour ne citer que les composants nécessaires à la réaction) d’une électrode de zinc et d’une solution, et un autre bocal constitué d’une électrode de cuivre et d’une solution contenant des ions cuivre, comme le montre le schéma ci-dessous. Ces deux demi-piles sont reliées par un pont salin contenant des ions positifs et négatifs et, évidemment, par des fils électriques raccordant les deux électrodes à l’appareil à alimenter en électricité. Le zinc solide s’oxyde en ions zinc et en deux électrons (Zn → Zn2+ + 2 e-). Les électrons traversent les fils, l’appareil et s’associent aux ions cuivre pour former par réduction du cuivre solide (Cu2+ + 2 e- → Cu). Ces réactions continuent jusqu’à l’épuisement du réactif limitant, qui peut être l'électrode de zinc ou les ions Cu2+. Pendant ce temps, des ions négatifs et positifs affluent de la solution saline respectivement vers la première et la deuxième demi-pile pour équilibrer les solutions. Selon le même principe que la pile de Volta, de l’énergie électrique est produite à partir d’énergie chimique, de manière plus efficace.
Avec la pile saline ou pile sèche, mise au point par Georges Leclanché en 1866 et améliorée ensuite, sera franchie une autre étape décisive pour la production et l’utilisation de piles à grande échelle telle qu’on la connaît aujourd’hui. Elle est composée d’une électrode négative en zinc dans une solution gélifiée de chlorure d’ammonium et d’une électrode positive en carbone dans du dioxyde de manganèse et du carbone en poudre, comme le montre le schéma ci-dessous. Comme pour les piles précédentes, le zinc s’oxyde, libérant des électrons, qui migrent et participent à la réduction de l’oxyde de manganèse. Cependant, cette pile est formée uniquement de composants solides, ce qui va la rendre plus facile à produire, à transporter et à utiliser. Par la suite, la pile sera améliorée avec la création de la pile à mercure, de la pile alcaline et de la pile au lithium, qui fonctionneront grâce à ces principes inaugurés au XIXe siècle.
La mise au point de l’accumulateur par Gaston Planté en 1859 a été une autre avancée importante dans l’histoire de l’électricité.
Un accumulateur permet d’accumuler de l’électricité, c’est-à-dire des charges électriques, dans un dispositif similaire à celui de la pile, sous forme d’énergie chimique, puis de laisser ce dispositif restituer l’électricité au moment voulu. Le principe de l’accumulateur est le suivant (voir schéma ci-dessous) : lors de sa décharge, les électrons migrent de l’électrode négative à l’électrode positive en passant par l’appareil qu’ils alimentent, entraînant la formation d’ions positifs à l’électrode négative et d’atomes neutres à l’électrode positive, exactement comme dans une pile. Lors de la charge, l’accumulateur est soumis à un courant électrique et les transformations inverses ont lieu : des électrons migrent vers l’électrode négative, où des atomes neutres sont formés, et depuis l’électrode positive, où des ions positifs sont formés. On aboutit ainsi à la même situation qu’avant la décharge ; cette opération pourra être répétée de nombreuses fois, jusqu’à l’usure de l’accumulateur.
L’accumulateur de Planté, lui, est composé de deux spirales de plomb en tant qu’électrodes, qui baignent dans un mélange d’eau et d’acide sulfurique H2SO4. Les réactions sont les suivantes, à l'électrode positive et à l'électrode négative :
Ainsi, l’accumulateur au plomb de Planté a été la première machine à pouvoir stocker l’énergie électrique sous forme chimique, puis la restituer, toujours en courant continu, ce qui va permettre de stocker l’électricité en grande quantité et de la redistribuer en temps et en quantité voulue. Les accumulateurs électrochimiques, en conservant ce principe de fonctionnement, vont être améliorés par la suite, utilisant des électrodes en nickel-cadmium ou encore en lithium.
Les piles et les accumulateurs, découverts au XIXe siècle, ont donc permis de produire, de stocker et de transporter le courant continu. Leur coût de production est cependant assez élevé à cause des matériaux relativement rares qui sont utilisés ; c’est encore le cas aujourd’hui. De plus, leur puissance est faible, surtout au XIXe siècle : aujourd’hui, la puissance d’un accumulateur nickel-cadmium ne dépasse pas 60 Wh par kg. Il est donc impossible de produire et de stocker une très grande quantité d’électricité avec une pile ou un accumulateur. La prochaine grande avancée des machines électriques est la machine électromagnétique à courant continu.
Images ci-dessous : 1) Schéma de la pile de Volta [Source : en.wikipedia.org], 2) Schéma de fonctionnement de la pile de Daniell [Source : quick05.legtux.org], 3) Schéma de la pile de Leclanché [Source : fr.wikipedia.org], 4) Schéma de fonctionnement de l'accumulateur de Planté [Source : west-airsoft.fr]
Les piles et les accumulateurs, découverts au XIXe siècle, ont donc permis de produire, de stocker et de transporter le courant continu. Leur coût de production est cependant assez élevé à cause des matériaux relativement rares qui sont utilisés ; c’est encore le cas aujourd’hui. De plus, leur puissance est faible, surtout au XIXe siècle : aujourd’hui, la puissance d’un accumulateur nickel-cadmium ne dépasse pas 60 Wh par kg. Il est donc impossible de produire et de stocker une très grande quantité d’électricité avec une pile ou un accumulateur. La prochaine grande avancée des machines électriques est la machine électromagnétique à courant continu.
Images ci-dessous : 1) Schéma de la pile de Volta [Source : en.wikipedia.org], 2) Schéma de fonctionnement de la pile de Daniell [Source : quick05.legtux.org], 3) Schéma de la pile de Leclanché [Source : fr.wikipedia.org], 4) Schéma de fonctionnement de l'accumulateur de Planté [Source : west-airsoft.fr]
3. Les machines électromagnétiques à courant continu (XIXe siècle)
Images ci-dessus : 5) Magnéto Ampère-Pixii [Source : www.powerstandards.com], 6) Machine en anneau de Pacinotti [Source : fr.wikipedia.org], 7) Dynamo de Gramme [Source : www.sparkmuseum.com], 8) Roue de Barlow [Source : sabix.revues.org], 9) Moteur électrique de Froment [Source : fr.wikipedia.org]
Au cours du XIXe siècle, la machine électromagnétique à courant continu permet de produire de l’électricité à partir d’une énergie mécanique, ou de produire de l’énergie mécanique à partir d’électricité grâce à l’électromagnétisme. Les principaux physiciens qui ont amélioré ces machines sont Ampère (1832), Pacinotti (1859), Gramme (1869), ainsi que Barlow, Davenport et Froment.
La première de ces machines électromagnétiques est construite par Hippolyte Pixii et André Ampère en 1832. C’est une génératrice magnétique, ou magnéto. Actionné par une manivelle, un aimant (appelé inducteur) tourne en-dessous d’une bobine de fer (appelée induit), comme le montre le schéma ci-dessus. Ceci provoque un courant alternatif dans la bobine, qui est transmis par un fil conducteur. Un commutateur composé de deux demi-bagues, inverse la polarité de la bobine à intervalles réguliers, permettant de produire un courant continu. Sa puissance est très faible et ce n’est qu’une machine expérimentale.
Son principe sera amélioré drastiquement par Pacinotti en 1859, qui a l’idée géniale de modifier l’induit : il s’agit d’un anneau en fer bobiné de fils de cuivre. Cet anneau, appelé anneau de Pacinotti, tourne sur lui-même, et est entouré d’un aimant permanent, l’inducteur. Un collecteur, situé au centre de l’anneau, est relié à la bobine par des fils de cuivre afin d’y amener l’électricité, et la retransmet au circuit extérieur par des balais fixes (voir schéma ci-dessus). À cause de la forme circulaire de l’anneau, la somme des courants produits dans les fils de cuivre et amenés au collecteur est toujours le même : on obtient du courant continu sans besoin de commutateur. C’est une génératrice dynamoélectrique, ou dynamo, mais Pacinotti envisage de l’utiliser également comme moteur, pour produire un mouvement à partir de l’électricité.
Ses idées sont mises en pratique et améliorées par Zénobe Gramme cinq ans plus tard. Il ajoutera des électro-aimants en position verticale (jusqu’à quatre), comme le montre le schéma ci-dessus, fonctionnant par auto-excitation (une partie de l’électricité produite est utilisée pour les alimenter). Ceci permettra d’obtenir une puissance élevée avec une machine fiable, simple, solide et facile à construire qu’on appellera la dynamo Gramme. Elle fonctionne également en tant que moteur.
D’autres physiciens avaient d’ores et déjà inventé des machines permettant de transformer l’électricité en énergie mécanique.
Le premier est la «roue de Barlow», mise au point par Peter Barlow en 1822. Les deux bornes d’une pile sont reliées à un montant sur lequel est fixé un disque de cuivre qui peut tourner, et à un bassin de mercure dans lequel trempe une partie du disque. En-dessous du disque et autour du bassin est placé un aimant, comme le montre le schéma ci-dessus. Lorsque l’électricité arrive de la pile, elle traverse le disque, et la présence de l’aimant le fait tourner. Cependant, ce moteur n’a qu’une vocation expérimentale du fait de sa puissance très faible.
En 1835, l’Américain Thomas Davenport crée lui aussi un moteur électrique, plus performant. Il est constitué d'aimants fixes et d'un aimant sur une roue. Lorsque de l'électricité est fournie aux aimants fixes, la roue tourne d'un demi-tour sous l'effet du champ magnétique créé. Un dispositif semblable à un commutateur fournit de l'électricité à l'aimant mobile, qui change de polarité à intervalles réguliers pour permettre à la roue de tourner en continu. Il utilise ensuite ce dispositif pour mettre en mouvement une voiture et une locomotive.
Le Français Gustave Froment crée lui aussi en 1845 un moteur électrique, l’«électromoteur». Il est de forme cylindrique ; des électro-aimants alimentés par l’électricité sont placés autour d’une série de barres de fer fixés à une roue (voir photo ci-dessus). Lorsque de l’électricité traverse les électro-aimants les uns après les autres, ils attirent tour à tour les barres de fer, qui tournent. Le mouvement pourra être transmis à une machine par l’intermédiaire de roues dentées et de bielles. C’est un moteur puissant et adapté à l’industrie.
Les machines électromagnétiques à courant continu, qui n'ont cessé de s'améliorer au cours du XIXe siècle, sont donc une nouvelle avancée majeure dans la production et l'utilisation de l'électricité à grande échelle. Elles permettent de produire des grandes quantités d'électricité en courant continu à partir d'une source d'énergie mécanique et, à l'inverse, de produire efficacement un mouvement à partir de l'électricité. Ceci rend pour la première fois envisageable une production et une utilisation de l'électricité, sous la forme du courant continu, à échelle mondiale.
La production d'électricité sous cette forme du courant a des avantages et des inconvénients. Elle est compatible avec les accumulateurs et les piles, qui fonctionnent également en courant continu, ce qui lui permettrait d'être interchangeable avec ceux-ci. Cependant, le frottement des collecteurs avec les balais, nécessaire à la récupération du courant dans ces machines, les use prématurément et cause d’importantes pertes. De plus, le courant continu est peu pratique à transporter, comme nous le verrons plus tard. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, avec la mise au point des machines électromagnétiques à courant alternatif, une autre forme d'électricité apparaît : le courant alternatif.
4. Les machines électromagnétiques à courant alternatif (deuxième moitié du XIXe siècle)
Ces machines permettent, comme les machines à courant continu, de produire de l'électricité à partir d'énergie mécanique (génératrices) et de transformer l'électricité en mouvement (moteurs). Les principaux inventeurs de ces machines sont Nikolas Tesla et, dans une moindre mesure, Galileo Ferraris dans les années 1880, même si leurs inventions seront perfectionnées par d’autres.
En 1882, Tesla invente la génératrice à courant alternatif synchrone, ou alternateur, qui permet de produire du courant alternatif. Dans un cylindre (voir schéma ci-dessous) se trouvent trois bobines de cuivre disposées en cercle à égale distance les unes des autres, qui composent ce qu’on appelle le stator (partie fixe). Au centre, un rotor (mobile) est constitué de ce qu’on peut rapprocher d’un électro-aimant à deux pôles, alimenté au courant continu. Le rotor, grâce à une source d’énergie mécanique, tourne. Il induit un courant électrique dans chacune des trois bobines à tour de rôle. Ce courant électrique est alternatif et sinusoïdal, selon le modèle suivant : un des pôles de l’électro-aimant se rapproche d’une bobine (la tension dans la bobine augmente), ils se trouvent face à face (la tension dans la bobine est maximale), puis l’électro-aimant s’éloigne (la tension diminue), puis l’autre pôle de l’électro-aimant se rapproche de la bobine (la tension devient négative), puis ils se trouvent face à face (la tension est minimale), puis l’électro-aimant s’éloigne (la tension se rapproche de zéro)... Ce phénomène se répète dans chacune des trois bobines l’une à la suite de l’autre avec un léger décalage, et chacune transmet ensuite le courant par des fils. Ainsi, un courant triphasé, composé de trois phases, trois signaux sinusoïdaux identiques légèrement décalés les uns par-rapport aux autres (voir graphique ci-dessous), est créé : c’est un autre coup de génie de Tesla, puisqu’il permet d’augmenter les rendements et de limiter les pertes. La génératrice à courant alternatif synchrone, ou alternateur, permet donc de produire de l’électricité à partir d’énergie mécanique, notamment dans les centrales hydrauliques, comme nous le verrons plus tard. Au départ, Tesla avait envisagé de l’utiliser également en fonctionnement inverse, comme moteur.
En 1885, Ferraris, s'inspirant des inventions de Tesla, théorise le fonctionnement d’un moteur à courant alternatif. Il imagine un stator composé de trois bobines de cuivre disposées en cercle à égale distance les unes des autres, chacune alimentée en courant alternatif par une phase d’un courant triphasé. Il établit alors l’existence d’un champ magnétique tournant autour de ces bobines, dont la fréquence de rotation est égale à la fréquence de ce courant alternatif. En effet, chaque phase, et donc chaque bobine, connaît sa tension maximale et son champ magnétique maximal à tour de rôle : le champ magnétique se déplace donc de bobine en bobine, effectuant des tours. C’est la base des moteurs à courant alternatif, qu’ils soient synchrones ou asynchrones.
En 1887, Tesla reprend ce principe pour concevoir le premier moteur électrique asynchrone, ou machine à induction, qui produit un mouvement à partir de courant alternatif. Le rotor est un cylindre, non pas composé d’un électro-aimant comme dans la machine synchrone, mais d’un matériau ferromagnétique enroulé par des métaux conducteurs comme le cuivre. Par conséquent, il ne possède pas de champ magnétique propre : il n’est parcouru que par les courants induits par le stator. Le rotor tourne donc légèrement moins vite que le champ magnétique, ce qui explique le nom « asynchrone ». L’avantage de ce moteur par-rapport au moteur synchrone est son rotor : il n’a pas besoin de courant pour fonctionner (contrairement aux électro-aimants), est moins cher à fabriquer que les électro-aimants car ses matériaux sont moins rares, et tourne plus facilement du fait de sa forme ronde et de sa plus grande légèreté. Dolivo-Dobrovolski construit un tel moteur en 1889 en travaillant indépendamment de Tesla, et en innovant sur la forme du rotor qui ressemble à une cage d’écureuil, comme le montre le schéma ci-dessous.
Parallèlement, Tesla et Lucien Gaulard, un Français, travaillent sur le transformateur, qui permet d’abaisser ou de remonter la tension d’un courant alternatif afin de faciliter son transport, comme nous le verrons plus tard.
Ainsi, les machines électromagnétiques à courant alternatif constituent l’avancée majeure finale des machines électriques. Au début des années 1890, elles sont suffisamment abouties, à la fois comme génératrices et comme moteurs, pour permettre elles aussi une production et une consommation d’électricité à l’échelle mondiale. Face aux machines à courant continu, elles possèdent avantages et inconvénients. Le principal inconvénient est l'incompatibilité avec les piles et les accumulateurs, très utilisés à la fin du XIXe siècle et qui fonctionnent en courant continu. Leurs avantages sont les principaux inconvénients des machines à courant continu : elles ne nécessitent pas de collecteurs à balais qui s’usent vite, ce qui leur permet d’avoir un meilleur rendement. Elles sont également plus simples, pas à imaginer, mais à construire : nul besoin de collecteur ou d’auto-excitation. De plus, et surtout, le courant alternatif est bien plus facile à transporter que le courant continu, ce que nous aurons l’occasion de développer à la suite de cette sous-partie.
Images ci-dessous : 1) Schéma de l'alternateur synchrone triphasé de Tesla [Source : fr.wikipedia.org], 2) Représentation graphique d'un courant triphasé [Source : www.maxicours.com], 3) Schéma du moteur asynchrone triphasé en cage d'écureuil [Source : en.wikipedia.org]
Les machines électriques, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, se sont donc peu à peu améliorées jusqu’à devenir efficaces et utilisables à grande échelle et ressembler à celles que l’on connaît aujourd’hui : piles et accumulateurs, génératrices et moteurs électromagnétiques. Cette période, et surtout le XXe siècle, a également vu le développement des sources de production de l’électricité, ainsi que celui de ses moyens de transport.
Pour commencer la lecture de la deuxième sous-partie de la partie physique, cliquez sur ce lien.
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